Mais pourquoi des disparitions aussi ciblées et si précoces ? La réponse est insaisissable, cachée sous les réticences, le silence des musiciens et des observateurs avisés. L’écrivain Nat Hentoff a tenté de donner une réponse dans son livre paru en 1961, The Jazz Life, qui est remarquable dans son examen franc des complexités telles que les tensions raciales et les dépendances à la drogue dans le monde du jazz. Hentoff écrit : « La question de savoir ce qui a conduit tant de ses musiciens à la dépendance est complexe. Cela étant, en raison de la profondeur et la spontanéité de son expression, quelque soit les types, dont le jazz est capable, il a attiré dans son giron un pourcentage important d’adolescents émotifs et fragiles. »
Dans « The Drug Addict », le Dr Marie Nyswander analyse la personnalité du toxicomane : « Il ne peut pas accepter la privation dans l’espoir de construire la sécurité dans un avenir indéfini, mais doit continuellement renforcer son estime de soi avec la preuve immédiate du succès présent ». Hentoff poursuit : « Il est vrai qu’une grande partie de la fraîcheur et de l’imprévisibilité du jazz est due au fait que, depuis ses débuts, ses musiciens ont établi leurs propres standards musicaux et normes pragmatiques. Les règles de l’école de musique sur la « légitimité » du ton, par exemple, ont été ignorées. Un homme était jugé sur la qualité de son oreille, sa capacité à improviser et la texture personnelle de sa sonorité et de son style de jeux. Mais ces critères souples et aléatoires ont aussi permis à des musiciens au talent « naturel » considérable mais aux capacités d’autodiscipline limitées (en musique ou ailleurs) de se faire assez rapidement une place. Certains ont bien étalé leur talent, mais sont restés quasi-enfants toute leur vie ».