A chaque génération son chemin de croix. Pour ceux qui sont nés à la fin du 19ème siècle, c’était la guerre avec ses 29 millions de victimes ou la pandémie de la grippe (espagnole) avec ses 20 millions de morts, ou  pour les plus malchanceux les deux fléaux à la fois. Mes grands-parents ont, eux, connu l’Holocauste, l’austérité de l’après – guerre et la menace de l’anéantissement nucléaire. Leur génération a combattu et beaucoup sont morts pour ce qu’ils croyaient être juste et nécessaire: ils ont sacrifié leur jeunesse (leur santé physique et mentale) pour le plus grand bien. Ils ont travaillé dur pour construire un monde meilleur pour leurs enfants.

Les bébés gâtés

Ils ont aussi  mis sur le marché, sans le vouloir ni le savoir, une génération ingrate et égoïste, l’une des plus choyées et jamais apparue sur terre: les baby-boomers. Regardez  l’héritage que ceux qui sont nés juste après la Seconde Guerre mondiale ont laissé: une génération triste et sans joie. Une génération des deux pièces. Une génération endettée. Une génération sans repère aux biens hypothéqués. Une génération de peluche. Une génération à laquelle j’appartiens.

Cette semaine, une équipe de fiscalistes et économistes a publié un rapport qui confirme ce que tout les gens qui ont la quarantaine savent déjà : nous gagnons moins d’argent ; nous travaillons plus durement et plus longtemps ; nous n’arrivons pas à nous payer un logement ou vivre dans un logement décent ; nous avons peu ou pas de travail ; sans sécurité financière, pas d’économies, notre dette personnelle est massive ; – et quand nous obtiendrons finalement le droit de nous retirer du monde du travail, à l’ âge de 103 ans, notre pension dérisoire nous sera jetée au visage.

Certes, nous risquons moins de mourir dans un trou, écrasés par des obus. Mais, compte tenu des occasions en or dont ont bénéficié nos parents, cette situation est plus qu’irritante. Les baby-boomers ont été totalement pris en charge. Ils ont bénéficié d’une  éducation excellente et gratuite jusqu’à  l’université, et les perspectives d’emploi étaient diverses et surabondantes. À la fin des années soixante et soixante-dix, un homme actif pouvait se permettre d’acheter une maison de taille raisonnable et prendre en charge toute sa famille. Il ne pouvait s’attendre à payer une hypothèque et avoir une pension retraite de misère. Et quand le pays ne sentait pas bon pour vous, le reste du monde pouvait vous accueillir à bras ouvert : Europe, Amérique, Asie vous souriaient!

Le même bateau

Ma génération a besoin de plus de revenus pour sortir la tête de l’eau. Pour beaucoup, le remboursement de l’hypothèque est une chimère. Nous devrons vendre notre maison, utiliser le peu que représente la pension retraites et espérer un effondrement des prix de l’immobilier pour éventuellement accéder à la propriété. Nous allons probablement finir nos jours en partageant la même chambre avec nos pauvres enfants qui, eux aussi, ont un avenir (et un présent) voué à l’échec. Impossible d’échapper à ce marasme : le reste du monde est dans le même bateau.

Les baby-boomers ont tout pris et tout détruit. Au lieu d’entretenir les infrastructures et les institutions dont ils ont bénéficié, ils les ont systématiquement démantelés, au nom du progrès. L’éducation, les valeurs de la famille, la responsabilité sociale… ont été jeté par la fenêtre, dans la poubelle, en faveur d’une culture de l’hédonisme.

Et maintenant, c’est nous qui payons le prix.

On ne peut nier que les baby-boomers étaient (ou sont) des gars magnifiques, dynamiques, dotés d’un sens très élevé du divertissement. Ils ont déchiré et brisé les barrières sociales, nous ont offert de la bonne musique, des films, de la mode, du design, la littérature. Bref, ils étaient créatifs, aventureux et révolutionnaires. La Révolution, c’est bien. Mais le désordre laissé doit être, un jour ou l’autre, réparé par d’autres. Et, il semble que c’est ce que ma génération est en train de faire.

Notis©2013

* Auteur : sarah.vine@getthegloss.com/ Traduction : mary@notis-consulting.net