Peter Tosh n’était pas un homme de paix ; il était un révolutionnaire ! Lors du « One Love Peace Concert » de 1978, devant plus de 40 000 spectateurs excités, son béret noir bien vissé et muni d’une guitare en forme de fusil d’assaut M16, il déclara: « La paix, c’est le diplôme que vous obtenez au cimetière. « Reposes en Paix », c’est ce qu’on écrit sur les tombes…».
Peter Tosh, né Winston Hubert McIntosh, est le membre le plus militant, mais aussi le plus oublié du groupe de reggae le plus célèbre du monde: « The Wailers ».
Homme affamé
« Chargé » comme tous et contre tous, Peter Tosh savait ce qu’il faisait ce soir-là. Il se dirigea vers le microphone dans son uniforme noir d’arts martiaux et mit sa vie en jeu dans l’un des discours politiques les plus passionnés et dangereux jamais prononcé par un musicien. S’adressant aux deux dirigeants politiques de la Jamaïque, le Premier ministre, Michael Manley, et Edward Seaga, le chef de l’opposition, tous deux présents au premier rang, à une époque où l’ile était plongée dans une spirale de violence politique meurtrière surtout dans les quartiers pauvres, Tosh avertit : « Un homme qui a faim est un homme en colère ! ». Deux années plus tard, il fut emmené dans un commissariat de police et battu sans relâche jusqu’à ce que son crâne soit fendu et sa main brisée. Il survécu en faisant le mort.
Le « One Love Peace Concert » est rentré dans l’histoire parce que Bob Marley a appelé Manley et Seaga sur scène pour qu’ils se serrent la main devant les caméras de télévision. Le discours de Peter Tosh, lui, est méconnu parce qu’il n’a pas été retransmis, son auteur ayant ordonné aux médias venus de l’occident « d’arrêter de filmer !».
Tosh éclipsé
Du point de vue de ce concert et l’histoire de la musique populaire en général, Peter Tosh semble avoir été éclipsé par le talent certain de Bob Marley, l’homme à qui il aurait appris à jouer de la guitare. On le crédite même des titres comme « Jammin ‘» et « Could You Be Loved », des compositions magnifiquement vulgarisées par Bob Marley.
Le 11 septembre 1987, Tosh fut victime d’un assassinat perfide, pillé et tué à son domicile par une connaissance : un exemple brutal du quotidien de la vie désespérée du ghetto qu’il avait jeté à la face des dirigeants de son pays.
Alors que les funérailles de Bob Marley mirent la Jamaïque et le monde entier en émoi, l’enterrement de Tosh fut un véritable « fiasco »: Sa mère a dû renier la paternité à l’un des deux «pères», la cérémonie fut interrompue à plusieurs reprises…
Militantisme
Peter Tosh croyait en l’action. Il a mis sa vie en jeu pour des concepts qui ont rythmé sa vie : la Vérité et la Justice. Il était un militant radical contre l’apartheid ; il refusa les invitations pour effectuer une tournée en Afrique du Sud (il joua au Swaziland voisin). Dès 1979, il refusa de se produire en Israël, en raison de son soutien à la cause palestinienne. La même année il exprima son opposition au nucléaire aux côtés de Bruce Springsteen au Madison Square Garden, dans le cadre d’une série de concerts de protestation anti-nucléaires. Tosh fit une apparition censurée dans le film d’accompagnement et sur la pochette du coffret des albums. En 1987, quelques mois avant son assassinat, il publia son propre album, « No Nuclear War », qui, à titre posthume, lui valu un Grammy.
Droit et Justice
Trois décennies après sa mort, Peter Tosh a fait l’objet d’une biographie, « La vie de Peter Tosh : Razor Steppin’ » écrite par l’auteur britannique, John Masouri. Le réalisateur oscarisé, Kevin Macdonald, est sur le point de finaliser un film tournant autour de la controverse du premier album solo de Tosh « Legalize It ». En Octobre 2013 près de la maison familiale de l’artiste, dans la paroisse rurale de Westmoreland, un concert de deux jours eut lieu dans un jardin spécialement aménagé, le « Peter Tosh Memorial Garden ». L’année dernière, un parti politique que Peter Tosh avait soutenu, le « governing People’s National Party » (le Parti national des leaders) lui a décerné la médaille du grand honneur de l’Ordre du Mérite de la Jamaïque, une distinction décernée à Bob Marley quelques semaines avant sa mort d’un cancer en 1981.
Avec une biographie, un film, un colloque annuel et un concert anniversaire, Winston Hubert McIntosh, alias Peter Tosh, l’homme oublié, reçoit une nouvelle reconnaissance. Sa famille s’est (re)unifiée et des mesures ont été prises pour assurer un héritage durable. Peter Tosh, le membre le plus négligé de « The wailers », reçoit enfin son dû : le Droit et la justice.
Notis©2013
Sources : «La vie de Peter Tosh : Steppin ‘ Razor’ » (Ed. Omnibus Press) par John Masouri