L’impôt cible

Mais avez-vous réfléchi que taxer les objets de luxe, c’est interdire les arts de luxe ? Trouvez-vous que les ouvriers en soie, dont le salaire en moyenne n’atteint pas 2 francs; les modistes à 50 centimes; les bijoutiers, orfèvres, horlogers, avec leurs interminables chômages; les domestiques à 10 écus, trouvez-vous qu’ils gagnent trop? […]

Mais, dira-t-on, si l’impôt livrait au prix coûtant le sel, le tabac, le port des lettres, le sucre, les vins, la viande, etc., la consommation augmenterait sans doute, et l’amélioration serait énorme : mais alors avec quoi l’État couvrirait-il ses dépenses?

La somme des contributions indirectes est de près de 600 millions; sur quoi voulez-vous que l’État perçoive cet impôt? Si le fisc ne gagne rien sur les postes, il faudra augmenter le sel ; si l’on dégrève encore le sel, il faudra tout reporter sur les boissons; cette kyrielle n’aurait pas de fin. Donc, la livraison à prix coûtant des produits, soit de l’État, soit de l’industrie privée, est impossible.

Donc, répliquerai-je à mon tour, le soulagement des classes malheureuses par l’État est impossible, comme la loi somptuaire est impossible, comme l’impôt progressif est impossible ; et toutes vos divagations sur l’impôt sont des chicanes de procureur. Vous n’avez pas même l’espoir que l’accroissement de la population, divisant les charges, allège le fardeau pour chacun ; parce qu’avec la population s’accroît la misère, et avec la misère, la besogne et le personnel de l’État augmentent.[…] »