Trois acteurs se partagent le rôle de lecteur: l’auteur, d’abord, qui disparaît dès qu’il a remis son manuscrit à l’éditeur qui, à son tour, matérialise l’œuvre avant de la remettre au libraire, dont le rôle est de donner au livre «une vie de société».
Mais qu’en est-il du «pouvoir» du simple lecteur qui a réussi à déjouer les sombres visées de la grande industrie et à garder assez de discernement pour lire autre chose que les médias veulent lui imposer, à savoir les best-sellers étalés dans les vitrines des librairies et sur les plateaux des émissions littéraires?
Le fondement de la société
La lecture nous apprend à mettre l’autorité en question et à exiger une réinterprétation constante des règles traditionnelles. Les mots, aussi légers soient-ils ont un poids. Ils ont toujours été de «dangereuses créatures». Souvenons-nous, en l’an 8 de notre ère, Ovide a été banni de Rome à cause d’un poème qui n’avait pas eu l’heur de plaire à l’empereur Auguste. Deux millénaires plus tard, combien d’actions plus ou moins légales menées par des puissants pour empêcher la publication d’un livre jugé non pas mensonger, mais, au contraire, trop enclin à énoncer des vérités?
Les empires se sont écroulés, les rois sont morts, les pouvoirs se sont succédés, et la littérature demeure.
Mais, comment le lecteur moderne, comme citoyen, garde-t-il sa capacité de remettre les choses en question alors que les écoles et collèges sont devenus des camps d’entraînement pour travailleurs qualifiés plutôt que des forums de questionnement et de discussion? Et que, à l’avenant, les universités ne sont plus ces pépinières de ce que Francis Bacon appelait les «marchands de lumière»?