Un homme totalement inexpérimenté réussit souvent mieux qu’un homme expérimenté. La réussite du débutant, c’est la revanche de l’immaturité, c’est le jeune qui bat le vieux au jeu «question pour un champion», le rapport de l’ignorant qui est préféré à celui de l’expert, la victoire de l’outsider sur le favori, David qui renverse Goliath.
L’expérience n’est pas toujours un avantage, elle peut même être un fardeau dans certaines circonstances.
Un homme expérimenté croit sans cesse reconnaître des schémas. Il reconnait du déjà vécu. Il se souvient alors qu’il doit choisir tel chemin, ou, au contraire, éviter absolument un piège dans lequel il a lourdement chuté. Il ne voit pas que les choses ne sont jamais exactement semblables: l’environnement a changé, les acteurs sont différents, le temps a passé, le schéma qu’il croit reconnaître n’est plus le même. Il se limite involontairement, en cherchant à reconnaître le passé, au lieu d’ouvrir l’univers infini des possibles.
En revanche, un homme qui découvre une situation pour la première fois voit le monde autour de lui dans sa singularité, sans s’enfermer dans un canevas, prêt à tout.
Mais dès que le jeune débutant gagne la jouissance, lui aussi tombe dans l’illusion de l’éternel recommencement. Ses yeux ne seront plus jamais ouverts comme la première fois. Il vivra désormais dans l’illusion du recommencement éternel. Il tentera de refaire l’exploit, de revivre le paradis initiatique. Mais ce sera plus difficile, maintenant, avec le fardeau de ses souvenirs radieux.