Bobby Few, un pianiste dont l’intensité et l’originalité ont souvent été négligées par la communauté jazz au sens large, est décédé le 6 janvier à Paris. Il avait 85 ans. Sa mort a été rapportée pour la première fois par le journal français Libération, puis dans de nombreux autres médias en France, où il vivait depuis 1969.
L’avant-garde isolé
Rares sont les pianistes (re)connus pour leurs collaborations avec les saxophonistes adeptes et pratiquant du « pianoless » (prestation sans l’accompagnent du piano), tels que Albert Ayler, Steve Lacy, Avram Fefer.
Bobby Few a également été parmi les premiers pianistes à s’engager clairement dans « la voie libertaire » ouverte par Cecil Taylor. Toutefois, l’expérience musicale de Bobby Few ne s’est pas limitée au free jazz et au champ torrentiel de Monsieur Taylor.
Au demeurant, le pianiste était beaucoup plus proche des dictats rythmiques du swing traditionnels et du lyrisme du gospels. Ce background recadrait souvent « ses sorties », compensant parfois ses émissions torrentielles de notes libres et luxuriants. Cette habilité le met dans une enseigne semblable au style de Duke Ellington ou Dollar Brand. Son sens du rythme « janky » fait immanquablement penser à Thelonious Monk. Cependant, son sens de la nuance (utilisation des pédales) reste incomparable.
Après avoir bien implanter ses assises professionnelles dans sa ville natale de Cleveland, dans l’Ohio, dès le début des années 1960, Bobby Few déménagea au milieu de la décennie à New York. Il n’y passa que quelques années avant de s’installer à Paris. Il est resté parisien pendant plus de 50 ans, effectuant occasionnellement des voyages aux États-Unis pour participer aux festivals ou des enregistrements, tout en travaillant, par ailleurs et régulièrement, sur la scène du jazz européenne.