Sous le même vocable de « mise à pied » se dissimulent deux mesures : la mise à pied disciplinaire, simple sanction, s’oppose à la mise à pied conservatoire, simple préalable à une sanction. Si la frontière entre les deux semble floue, il ne faut pas ignorer que ce sont deux mesures bien différentes. Pour voir cela, il convient de voir les définitions (I) pour comprendre la distinction qui existe entre ces deux mesures (II). En pratique cette distinction est brouillée par les « innovations » apportées par le juge du travail (III).

 I/  DEFINITIONS

La mise à pied conservatoire

La mise à pied conservatoire est une mesure de précaution, lorsque l’employeur estime que la faute du salarié, rend nécessaire un départ immédiat du salarié, dans l’attente de la sanction.

Le Code du travail permet à l’employeur de prononcer une mise à pied immédiate lorsqu’il a connaissance de faits qui rendent indispensable une mesure conservatoire. Elle constitue dans ce cas, non une sanction en elle-même, mais le préalable à une sanction ; c’est une simple mesure d’attente qui éloigne le salarié jusqu’à ce qu’il soit fixé sur son sort (mise à pied disciplinaire, mutation, rétrogradation, licenciement…).

Elle s’inscrit, le plus souvent, dans une procédure de licenciement en cours pour un motif disciplinaire. En conséquence elle n’a pas à être motivée, et l’employeur est dispensé de respecter la procédure de l’entretien préalable ou une demande d’explication écrite.

De son coté, e juge du travail affirme avec constance que seule une faute qualifiée de grave et rendant impossible le maintient du salarié dans l’entreprise peut justifier une mise à pied conservatoire.

Le salarié, en plus de son éviction immédiate, se voit, la plupart du temps, privé de son salaire pendant la période correspondante.

Il est important de préciser que, si la mise à pied conservatoire concerne un salarié protégé, des règles spécifiques s’appliquent, avec intervention de l’Inspecteur du Travail.

Si une mise à pied est injustifiée, ce qui entrainera donc un licenciement sans cause réelle et sérieuse et abusif,  le salarié pourra demander à l’employeur des dommages et intérêts pour préjudice moral et le paiement de son salaire retenu pendant cette période.

La mise à pied à titre disciplinaire.

Si le salarié commet une faute, l’employeur utilisera son pouvoir disciplinaire en le sanctionnant. Les sanctions peuvent aller du simple avertissement à la mise à pied à titre disciplinaire.

L’employeur qui opte pour une mise à pied disciplinaire doit alors respecter la procédure suivante :

– convoquer le salarié à un entretien préalable et lui indiquer l’objet, la date, l’heure et le lieu de l’entretien, ainsi que la possibilité pour le salarié de se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise. La convocation doit être adressée au salarié dans les 2 mois du jour où l’employeur a eu connaissance des faits fautifs du salarié. Elle peut lui être remise en main propre contre décharge ou lui être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception ;

– faire passer un entretien préalable au salarié, lui indiquer la sanction envisagée et recueillir ses explications ;

– notifier au salarié la sanction retenue contre lui. Cette notification ne peut alors intervenir moins d’un jour franc ni plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien préalable. La sanction doit être à durée déterminée, motivée, être proportionnelle à la faute commise et ne pas présenter un caractère discriminatoire.

La mise à pied disciplinaire suspend le contrat de travail. Le salarié est donc dispensé d’exercer ses fonctions au sein de l’entreprise, mais surtout, l’employeur n’a pas à lui verser sa rémunération.

Généralement, la mise à pied est de trois jours, mais peut aller jusqu’à cinq jours.

II/ DISTINCTION

La mise à pied à titre disciplinaire est une sanction prise par l’employeur à l’encontre du salarié en réaction à un comportement fautif dit grave mais qui n’empêche pas le maintien du salarié dans l’entreprise. Le salarié sera écarté de l’entreprise pendant quelques jours mais pourra ensuite reprendre ses fonctions normalement.

La mise à pied à titre conservatoire suppose un comportement grave du salarié qui nuit au bon fonctionnement de l’entreprise et qui rend donc le maintien du salarié dans l’entreprise impossible. La mise à pied à titre conservatoire est en principe toujours suivie d’un licenciement. Elle permet donc à l’employeur de mettre le salarié à l’écart de l’entreprise tout le temps du déroulement de la procédure de licenciement et jusqu’à ce que le licenciement soit prononcé.

La mise à pied à titre conservatoire est forcément à durée indéterminée (dans l’attente du licenciement) puisqu’elle s’achève normalement à l’issue de la procédure disciplinaire. Son terme est incertain puisqu’elle dépend de la procédure engagée.

La mise à pied disciplinaire est à durée déterminée. Pendant longtemps, ce fut ce critère de la durée qui était retenue pour distinguer les deux types de mise à pied. Par conséquent, la mise à pied prononcée pour un temps déterminé présente un caractère disciplinaire.

Le principe « non bis in idem ». 

Selon le principe « non bis in idem », l’employeur ne peut pas utiliser les deux types de sanctions pour sanctionner le salarié deux fois pour un même fait.

L’employeur ayant utilisé la mise à pied à titre disciplinaire ne pourra plus licencier son salarié pour les mêmes faits, son pouvoir disciplinaire étant épuisé. Ainsi, l’employeur qui souhaite licencier un salarié pour faute grave devra utiliser la mise à pied à titre conservatoire.

De même, le caractère conservatoire de la mise à pied ne peut être retenu que si, dans le même temps, l’employeur met immédiatement en œuvre une procédure de licenciement.

Si le juge considère que la mise à pied à un caractère disciplinaire, il dira forcément que le licenciement qui a suivi est « dénué de cause réelle et sérieuse » car l’employeur ne pouvait pas sanctionner deux fois.

V/ (CON) FUSION

A l’analyse des décisions récentes du juge du travail, la durée déterminée ou indéterminée de la mise à pied  n’est plus le critère de distinction déterminant. C’est le lien avec une procédure disciplinaire en cours qui est important. En effet, le juge précise désormais que la mise à pied « a un caractère conservatoire » à deux conditions :

1) elle doit être « prononcée par l’employeur dans l’attente de sa décision dans la procédure de licenciement »

2) et cette procédure de licenciement doit être « engagée dans le même temps ».

D’autre part le juge a validité une mesure de mise à pied conservatoire alors que le licenciement n’était pas un licenciement disciplinaire c’est-à-dire pour faute.

Dans cette affaire, un employeur avait reproché à un chef de magasin des dysfonctionnements dans son service concernant le respect de procédures internes et la gestion du personnel.  Les faits se sont répétés et l’employeur décide une mise à pied à titre conservatoire dans l’attente de son licenciement. Or, l’employeur, à la suite de l’entretien préalable de licenciement, a opté en définitive pour un licenciement pour insuffisance professionnelle, donc un licenciement non disciplinaire. En effet, le motif d’insuffisance professionnelle ne constitue pas en lui-même une faute. La demande du salarié était conforme à la jurisprudence constante qui définit la mise à pied conservatoire comme une mesure rendue indispensable en raison des faits reprochés au salarié. Contre toute attente, le juge a rejeté la demande du salarié en indiquant : « le prononcé d’une mise à pied à titre conservatoire n’implique pas nécessairement que le licenciement prononcé ultérieurement présente un caractère disciplinaire ».

Ainsi, d’après cette nouvelle jurisprudence, rien n’interdit à l’employeur qui a mis un salarié à pied à titre conservatoire de prononcer contre lui, si la sanction est justifiée, une mise à pied disciplinaire couvrant la période de mise à pied conservatoire.

Notis©2012