Casser l’imaginaire développementiste et décoloniser les esprits face à la mondialisation, qui n’est que le triomphe planétaire du tout-marché, il nous faut concevoir et promouvoir une société dans laquelle les valeurs économiques ont cessé d’être centrales (ou uniques). L’économie doit être remise à sa place comme simple moyen de la vie humaine et non comme fin ultime. Il nous faut renoncer à cette course folle vers une consommation toujours accrue. Cela n’est pas seulement requis pour éviter la destruction définitive des conditions de vie sur terre, mais aussi et surtout pour sortir l’humanité de la misère psychique et morale. Il s’agit là d’une véritable décolonisation de notre imaginaire et d’une déséconomicisation des esprits, nécessaires pour changer vraiment le monde avant que le changement du monde ne nous y condamne dans la douleur. Il faut commencer par voir les choses autrement pour qu’elles puissent devenir autres, pour que l’on puisse concevoir des solutions vraiment originales et novatrices. Il s’agit de mettre au centre de la vie humaine d’autres significations et d’autres raisons d’être que l’expansion de la production et de la consommation. Le premier mot d’ordre du réseau est donc « résistance et dissidence ». Résistance et dissidence avec la tête mais aussi avec les pieds. Résistance et dissidence comme attitude mentale de refus et comme hygiène de vie. Résistance et dissidence comme attitude concrète par toutes les formes d’auto-organisation alternative. Cela signifie participer à la conception et à la mise en œuvre de sociétés conviviales. Mais cela implique en premier lieu le refus de la complicité et de la collaboration avec cette entreprise de décervelage et de destruction planétaire que constitue l’idéologie développementiste.
Notis©2012
Sources : Décoloniser l’imaginaire (édition Pargon), par Serge Latouche